Critique de la Guerre des Étoiles de Jean Rocheteau dans La Croix

mardi 26 novembre 2024
par  Dark Funifuteur
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La Croix est un quotidien français fondé en 1883 par les Augustins de l’Assomption et dont le groupe Bayard Presse assure la publication.

CINEMA
La Guerre des Étoiles
Film américain de Georges Lucas (TFX 1138, American Graffiti)
Avec des interprètes peu connus, à l’exception d’Alec Guinness

Super-film de science-fiction, la Guerre des étoiles constitue. d’ores et déjà, un phénomène du box-office américain. Les recettes, pourtant record, des Dents de la mer, ont été écrasées. Star Wars a déjà rapporté 170 millions de dollars (pour une mise initiale de 9 millions et demi) et continue sa progression sur les écrans d’outre-Atlantique, à raison de 1 million de dollars par jour.

Il est vrai que les conditions très particulières de la projection (l’environnement sonore, lors des combats aériens, est une pure merveille, on s’y croirait !) interdisent le passage de ce film à la TV pour de nombreuses années.

Mais Il faut toujours en revenir, cela dit, à la question primordiale : La Guerre des étoiles vaut-elle ce qu’elle coûta ? Nettement je réponds : oui. Quand le film nous fut présenté en avant-première au festival de Deauville, toutes nos craintes furent apaisées d’un coup, tous nos espoirs justifiés.

Sur un thème voisin du justement célèbre 2001, odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick, Georges Lucas (TFX 1138, American Graffiti) a réussi tout autre chose : « un conte de fées moderne dans un espace mythologique ». Sachant en effet qu’il n’était pas question pour lui de rivaliser avec la splendeur métaphysique du chef-d’œuvre de Kubrick, Lucas a tenté d’illustrer un scénario futuriste à l’aide de tous les genres traditionnels du cinéma. Ce qui fait de sa réalisation à la fois une œuvre d’anticipation et une rétrospective fabuleuse de tous les mythes du 7e art.

L’éternel conflit du mal et du bien

Ce qui fait aussi que la Guerre des étoiles peut être reçue à plusieurs niveaux de compréhension : beaucoup n’y verront qu’une gigantesque bande dessinée, et ce n’est pas faux ; d’autres y décèleront, à bon droit, quantité de références cinéphiliques ; enfin, les observateurs plus attentifs encore décoderont sous les images somptueuses, un nouvel épisode de l’éternel conflit du bien et du mal, les héros étant confortés dans leur noble dessein par une affirmation on ne peut plus explicite : « Ma grâce te suffit ! ».

Le scénario nous transporte en l’an X, qui peut être aussi bien le futur que le passé, dans l’hypothèse où le monde, notre monde, ne serait qu’une suite ininterrompue de civilisations stratifiées, comme les cercles concentriques d’un tronc d’arbre.

Toujours est-il que, dans le monde de la Guerre des étoiles, les maîtres de l’empire galactique font régner la terreur par l’obscurantisme. Sporadiquement, des tentatives de rébellion éclatent, toutes infructueuses. Dernier en date de ces soulèvements, le coup de force de la princesse Leia qui a permis de s’emparer des plans de « l’Étoile de la mort », vaisseau spatial géant, à peu près invulnérable, arme absolue de l’Empire.

Des « effets spéciaux » hallucinants

Mais, en route vers leur planète, Alderaan, la princesse et ses amis sont interceptés par le terrible Darth Vador, chef des forces armées impériales. Avant d’être capturée, la princesse confie les plans ultra-secrets à un androïde (comprenez un robot pensant), à charge pour lui de les remettre à un certain Ben Kenobi, dernier survivant de l’Ordre des Chevaliers, jadis chargé de l’ordre et de la paix, dans l’ancienne République galactique.

Dès lors, le film va se résumer dans l’affrontement de deux groupes irréductiblement antagonistes :
• Les deux androïdes (de loin les personnages les plus savoureux du film) ; le fils d’un chevalier, Luke, adopté par un agriculteur, et le chevalier Ben Kenobi, incarnation de la sagesse des temps révolus.
• L’état-major impérial, aux ordres de Darth Vador, ancien chevalier passé à l’ennemi.

Comment, avec l’aide mercenaire de Han Solo, contrebandier de l’espace, les deux robots et les chevaliers vaincront… c’est le thème.

Mais, encore une fois, l’astuce de Georges Lucas est d’avoir illustré ce conte naïf à grand renfort de clins d’yeux. Tour à tour, le western, le film noir, la cape et l’épée, Tarzan. le Graal et la Table ronde sont ameutés dans les espaces intersidéraux pour une lutte uns merci dont l’un des « clous » est le duel, au rayon laser, de deux Samouraïs, l’un preux, l’autre non, dans les corridors d’une station spatiale.

Mais le sommet, quant à la forme, de cette organisation savante de toutes les mythologies, demeure le combat aérien. C’est ici qu’il convient d’arrêter le regard sur les « effets spéciaux » du film. Les trucages ont été supervisés par John Dykstra, spécialiste des « James Bond » et déjà responsable de 2001. À peu près toutes les scènes spatiales ont été réalisées sur maquettes, animées par des ordinateurs, la mémoire de ceux-ci ayant été programmée à l’aide d’un montage de 50 films de guerre. Le résultat est hallucinant.

Certains esprits forts ne manqueront pas d’ergoter sur l’infantilisme de ce bricolage de luxe. Ceux-là auront oublié que Georges Lucas, au-delà d’une technique totalement maîtrisée, pose en termes clairs l’alternative : à armes inégales, les bons peuvent-ils encore triompher des méchants, pour peu que la « loi des gros bataillons », qui joue contre eux, soit compensée par la certitude, venue de plus haut, de leur bon droit ?

La victoire de l’esprit

C’est exactement ce qui se produit dans la Guerre des étoiles. Et je n’ai pu m’empêcher, au spectacle des dantesques combats aériens de songer à Churchill et à la bataille d’Angleterre : « Never was owed by so many to so few ! » (« Jamais tant d’hommes n’avaient tant dû à un si petit nombre »). Et de songer aussi que cette victoire, improbable, avait été acquise parce que, là-haut, l’ancien chevalier mort au combat avait transmis sa force au jeunot de la soucoupe volante…

On voit ainsi que la Guerre des étoiles, tout en étant parfois débile, au niveau de l’exploration du futur, mérite une certaine considération, eu égard aux valeurs spirituelles. Alec Guinness, qui tient superbement le rôle du chevalier qui se sacrifia pour insuffler sa force serait probablement de cet avis.

Bref, cette Guerre des Étoiles ne serait-ce pas le prélude à certaine remise en question du matérialisme de notre actuelle société ?

Jean Rochereau

Le duel à répée laser...
(A dr. Alec Guinness.)

File d’attente à l’extérieur du Leicester Square Théâtre à Londres pour le lancement de "Star Wars", le 27 décembre 1977.
AP

Analyse à venir ;)


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